RTNX 2011 – comment ne pas gagner


Raid the North Extreme est une course d’aventure de type expédition, qui se déroulait cette année dans la magnifique région des Kootenays dans le sud de la Colombie-Britannique. C’est une des seules courses dites « authentiques » au monde, et on entend généralement par là qu’elle est linéaire (poin-to-point, sans boucle) dans des endroits reculés et très difficile d’accès, et sans sport « bizarre ». Et chanceux comme nous sommes, c’est toujours chez nous, au Canada.
Je courrais Jan Trojanowski dit « le grand », Benoit Letourneau, dit « Ben la Brute » et Scottie dit « la nouvelle ben motivée » Trevino. Nom d’équipe: Pentathlondesneiges.com (qui semble être bien difficile à prononcer pour nos amis anglophones puisque nous sommes plusieurs fois renommé: Pantaloons, Pantaloonsdesneiges, Snowpants, etc.) J’ai couru avec Jan à Wilderness Traverse en 2010, et c’est un très bon coureur, sérieux et en super forme, c’est un tri-athlète accompli. Nous avons confirmé vouloir participer à RTNX dès l’automne 2010 car nous avions eu une bonne expérience ensemble à WT. Benoit Letourneau n’a plus besoin de présentation, et j’étais emballé lorsqu’il a accepté de courir avec nous en mai dernier. Avec un coureur de la trempe de Benoit, nous pouvions réalistiquement aspirer au podium.
Scottie Trevino, vient du Texas. J’avais discuté avec elle en avril dernier pour la course Epic Rev3 en Virginie, et elle avait mentionnée vouloir faire RTNX. Après plusieurs discussions, et vérifications, je suis confiant que c’est une très bonne candidate. D’ailleurs, elle est inscrite à Expedition Idaho (team SOG) et Mother Lode qui sont deux courses expédition peu de temps après RTNX. Elle est grandement motivée! Et elle s’entraîne en malade (plus que nous les 3 gars). On sait qu’elle n’a pas d’expérience en course expédition, mais elle a fait plusieurs courses (30h), et nous avons assez d’expérience pour la coacher, donc nous sommes confiant! Aussi, disons-le, c’est difficile de trouver des filles prête à faire ce genre de truc, et celle-ci nous semble en grande forme et super motivée, let’s go!
Donc depuis deux mois, on discute de stratégies, de matériel, de philosophie de course, appel conférence, emails. On discute de comment nous allons faire pour gagner. Car c’est notre unique objectif, gagner RTNX. Nous n’y allons pas pour voir le paysage (superbe en passant), mais pour compétitionner du mieux qu’on peut, pour faire ce qui nous passionne. Et nous semblons tous sur la même longueur d’onde à ce sujet.  Donc voici le fil des événements:
20 juillet: Benoit et moi se rejoignons à Calgary, nous sommes sur le même vol en direction de Kelowna. On dort la bas, les nuits de sommeil complètes c’est bientôt fini.. On a shippé notre stock à notre hôtel à Nelson, donc on voyage light:)
21 juillet: On sort se faire un petit jog à Kelowna, c’est cool l’Ouest! 🙂 On prend ensuite le bon vieux Greyhound jusqu’à Nelson. On se rejoint tous, enfin! on mange ensemble c’est cool! On jase encore de plein de choses.

22 juillet: On monte les vélos, quelques réparations suite au transport et hop on sort pour une ride. Départ cahoteux: Scottie a beaucoup de difficulté à suivre, et ne semble pas très habile avec son vélo. Pas grave, on re-test la towline. On doit ensuite marcher une montée qui nous semble pourtant bien accessible (route de gravier)… Au retour, comble de malheur, je sors trop vite d’un virage et je me retrouve hors piste.. je m’en tire bien, quelques points de suture plus tard. Beau look pour la course:) Cérémonie d’ouverture, remise des cartes, c’est cool on a du temps pour faire les cartes. Le parcours sera d’anthologie, tout est vertical ici, autant la montée que la descente. Plusieurs super sections, village fantôme, anciennes mines, sentiers à flanc de montagne, et deux sections à redouter, un trek de 62 km et une section nautique de 70 km avec les vélo dans le canot. Et beaucoup de « bushwhack« !

23 juillet: Déplacement vers Kaslo (charmant petit village), race briefing, derniers préparatifs, souper. Scottie nous semble distante. Nous nous efforçons d’être cool et courtois, mais la communication est difficile. On revoit notre stratégie, et  nous sommes très clair, Scottie ne portera peu ou pas de sac, et nous allons tirer à toutes les occasions, tout le monde est d’accord. J’avais trouvé un petit gîte où nous dormons bien au chaud, car nous ne voulons pas faire de camping comme c’est suggéré par l’organisation.
24 juillet: C’est le grand départ! Nous arrivons au PC1 en 7e place, pas si mal, mais il devient évident que nous n’avons pas une configuration optimale. Nous avons tirer sur 18km, passant de 2000 à 7000 pied en cours de route. On part à pied pour le premier trek, et plus on se retrouve en bushwhack, plus nous sommes lent. Scottie ne semble pas pouvoir aller plus vite. Non seulement on commence à être désenchanté, mais il n’y a aucun dialogue possible, elle semble nous ignorer, répond à peine à nos questions, ne veut pas de notre nourriture, de nos solutions. Jan, Benoit et moi n’en revenons pas. Ça fait 12 h que nous sommes dans la course et nous avons déjà l’impression d’être 5h en retard. On décide de dormir un peu la première nuit car elle nous dit être fatiguée, et nous avançons à peine 750m/h à la noirceur. « OK we will sleep then, maybe it will do some good » qu’on se dit. Jan, Benoit et moi nous couchons, et Scottie semble ne pas vouloir se coucher: « I’m not asleep »…
25 juillet: On repart 2h plus tard, on commence à monter vers le PC2, on sort enfin de cette végétation si dense. Il y a des équipes de l’autres côté de la vallée. Scottie remet alors en doute notre chemin et ne veut pas qu’on la tire car elle n’est pas à l’aise sur les roches… Nous arrivons finalement au PC2 qui est sur un magnifique col de montagne, et nous sommes 12h en retard sur la première équipe. Nous n’en revenons simplement pas, mais qu’est ce que cette fille est venue faire ici? Sentier en descente vers le fond de la vallée, Scottie décide de nous clancher en descendant à fond la caisse.. on ne comprend plus rien…
On arrive à TA1 pour prendre les vélos. C’est mon anniversaire, je reçois un brownie de la part de l’organisation, c’est gentil!;) Nous nous changeons et discutons: on veut allez plus vite, on dit à Scottie qu’il faut se donner plus, prendre plus de risques et qu’on va tirer mais pas trop fort, juste pour l’aider. Ranking:17e. On repart à vélo vers 2 cols à près de 7500′ d’altitude. Le premier, Reco pass, va pas trop mal, on tire from bottom to top.. une super descente en lacets, la pluie se met de la partie, il fait pas super chaud! Arrivés en bas au village fantôme de Sandon, on réussi à acheter un bol de soupe chaude à des habitants, cool:). Nul besoin de dire qu’il n’y a pas grand chose dans un village fantôme! Nous continuons vers le prochain CP, Idaho peak. C’est une longue et dure montée sur chemin en gravier, il pleut, on tire from bottom to top, avec un épisode où Scottie nous dit qu’elle n’est pas certaine de pouvoir faire ça.. qu’elle pourrait redescendre… on arrive finalement en haut, il fait froid (7°C),  c’est maintenant la nuit et on doit prendre la Wakefield trail qui est sensé être super cool pour redescendre.. mais on ne peut pas rider! Scottie ne peut pas rouler, le niveau ne lui convient pas! Et bien après avoir beaucoup marché en montée, nous voilà en train de marcher la descente, ça va être long 5000′ en marchant… on peut enfin rouler après 2000′ de marche en descente.. Pendant la montée Jan, Benoit et moi en avons profité pour discuté du reste de la course. La prochaine section allait être la plus difficile de la course, 62km à pied, un trek 2 fois plus dur que le premier, où Scottie a faillie se blesser à plusieurs reprises et où nous étions attrocement lent. Nous prenons alors la décision que nous ne voulons pas qu’elle continue avec nous. Personne n’a de plaisir, et ça nous prendrait 3 jours à ce rythme récréationnel, et ce n’est simplement pas sécuritaire pour elle. Et nous, ben, on en a marre.
26 juillet: Finalement arrivée TA2 qui est dans le petit village de Silverton, nous prenons le temps de manger et nous discutons du reste, et nous disons que nous allons continuer sans elle, pour les raisons mentionnées. On discute, et elle nous dit finalement qu’elle ne s’attendait pas à de telles montagnes, à ce niveau de difficulté, etc. That’s RTNX $%&?&%! Quel gâchi. On n’en revient pas plus, on est fachés, déçus, en colère, name it. On est en criss. Au matin on va prendre un café (ça parle français dans ce café, tiens donc!), on relax, on essai d’y voir clair. Il y a une petite section de canot (20km) à faire avant le trek, on part à trois, on nisaise un peu, on est vraiment plus en race mode… nous sommes tellement déçus.
Arrivé à TA3 o)n se prépare tranquilement pour le highlight de la course, le Valhalla park. On part les trois, avec enfin un rythme intéressant. Tellement intéressant qu’on évalue avancer au moins 3 fois plus vite maintenant, damn we are pissed. On fait les 18 premiers km en un très bon temps et on décide de dormir sur le bord du lac Beatrice (il est 22h30!) où plusieurs équipes arrivent et optent pour la même chose puisque c’est la fin du sentier. C’est presque un petit party, on fait un feu, on jase, je fais rôtir du beef jerky et des saucissons, hummm!:
27 juillet: 6h10, toutes les autres équipes sont déjà parties, on part pour un bushwhack de 10km, en pallier, et ça commence assez hard, en pente sur le bord du lac. C’est vraiment garni, on garde quand même un bon rythme, mais y’a des passages difficiles, dont un sur le bord d’une immense chute, sur rocher assez exposé. En fait, c’est un des durs bushwhack que j’ai fait, « 3rd degree fun » qu’on appelle ça. Pas le fun sur le moment, pas le fun juste après, le fun quand on y repense longtemps après…:) Mais plus on monte, plus c’est beau! WOW! on a bien fait de venir! On repense à tout ça plusieurs fois en cours de route, est ce qu’on aurait dû faire autrement? plus le parcours se découvre, plus le niveau de difficulté augmente, plus on est convaincus d’avoir pris la bonne décision.
Nous arrivons à 16h10 au Ice Creek lodge (PC8), 10h après être parti de notre petit camping. On décide de rester au lodge pour la nuit, c’est cool, y’a du monde et un sauna! Peter Dobos est là et bien mal en point, on discute et partage notre repas avec lui. À ce point, on s’amuse, on rit, bref on a enfin un peu de plaisir! Il semble qu’aucune équipe qui était avec nous ne soit arrivée. Il y a accès à internet au lodge, on voit alors où sont les équipes dans le trek via le tracking SPOT, et nous sommes stupéfaits de voir que des équipes avec qui nous étions au matin, sont à peine au bout du lac Beatrice… (certaines équipes auront effectivement passé plus de 48h dans ce trek).

28 juillet: Nous quittons le lodge après une bonne nuit de sommeil, et attaquons le restant du trek, avec un excellent rythme encore une fois. C’est grand bleu et les montagnes enneigées se découvrent, c’est magique. On a vraiment bien fait de faire cette section de jour. On s’arrête même pour un petit lunch, on prend des photos, good times! On arrive à PC9 on discute avec les gens, humm du chocolat! Deux membres de l’équipe Custom Cellular sont là, ont descend vers TA4 avec eux. Un dur 17km sur la route nous attend avant d’arriver au TA, c’est un peu dur sur les pied, mais on s’en fou pas mal. Arrivé à TA4 à Lower Little Slocan Lake, nous décidons de ne pas continuer sur le parcours de cette façon et de plutôt choisir ce qui nous tante, car on veut aussi rider les seven summits, qui est un autre highlight en vélo, et on ne tient pas vraiment à faire du canot à 3. On garde juste le bonheur, on enlève le « suffering » de l’équation. Nous avisons l’organisation que nous sortons de la course et que nous partons vers Castlegar en vélo (60km). Oui, ce soir on dort à l’hôtel, et on mange au resto! Inutile de dire que le serveur trouvait que nous avions bon appétit!

But seriously, why not? Nous avons tous d’autres évènements à l’horizon (Benoit et moi: WT, Jan: Leadville 100) pourquoi se sacrer une volée « for the sake of it » lorsque l’enjeu n’y est plus?
29 juillet: Jan et moi nous dirigeons vers Nancy Green Lake pour revenir sur le parcours, Benoit se dirige finalement vers Trail pour l’arrivée. Les seven summits étaient bien, de là à être un des 10 plus beaux sentiers de vélo de montagne au monde tel qu’annoncé, je ne suis pas certains, peut-être à cause du goût amer que nous avons.. mais bon, on a encore un peu de plaisir. On termine avec une super descente de 7km! Cooool! On rejoint Benoit à l’arrivée, on se prend un super repas chez Dairy Queen (ils ont même de la poutine!) et direction les douches.
Pendant ce temps, Scottie est restée en tant que bénévole, et plusieurs fois nous a simplement ignoré.

Bref, notre coéquipière ne pouvait simplement pas suivre le rythme et n’avait pas le même objectif que nous. Nous avons essayé de notre mieux pour l’aider, pour faire en sorte que l’équipe avance le plus rapidement possible. Nous ne croyons pas qu’elle a été honnête, et nous ne comprenons toujours pas pourquoi elle s’est engagée avec nous connaissant bien nos objectifs. Nous avons plusieurs théories. Nous avons fait l’erreur de ne pas suivre notre instinct lorsque nous n’avions pas trouvé de résultat sur google et suite à certaines discussions/comportements. Le plus décevant pour nous trois est de ne pas avoir pu se faire justice malgré une préparation logistique et physique exceptionnelle. Nous sommes convaincu que nous nous serions battu pour les trois premières position avec une coéquipière à la hauteur.
Leçon: mieux ne vaut pas courir si nous ne sommes pas certains à 150% de l’engagement des coéquipiers. Ça fait trop mal sinon. Sans mentionner que ça coûte cher ces trucs là, en temps de préparation, en vacances, en relations, en argent.
Donc voilà l’histoire, le positif c’est bien sûr les paysages magnifiques, la camaraderie avec Jan et Ben, et que mon stock et ma bouffe sont déjà prêt pour Wilderness Traverse. Là je n’ai aucun doute sur qui que ce soit, et j’ai bien hâte de me reprendre, car c’est la seule façon de digérer cette épisode.
Félicitations à toutes les équipes qui ont participées, terminées et aux gagnants de RTNX 2011. Merci à tous les bénévoles et à l’organisation de rendre ces défis impossibles possibles.
Merci à mes deux fantastiques coéquipiers. See ya on the trail.
Alex

7 Réponses

  1. Y’a un proverbe africain qui dit que « ce n’est pas le voyage qui compte, mais les compagnons avec lesquels on le fait. » Merci d’avoir partagé cet expérience… et go!go!go! pour Wilderness Traverse!

    16 août 2011 à 6:56

  2. Raid Pulse

    Wow vous êtes vraiment chanceux d’avoir pu participer à un tel événement. Bon succès à l’équipe Kinetic pour WT.

    16 août 2011 à 11:05

  3. Vous n’avez vraiment pas eu de chance!
    Tu devais t’ennuyer des courses avec Steph. On se voit a WT.

    16 août 2011 à 11:27

  4. great job Alex…… une course comme celle-là ca me fait rever …..un jour qui sait !!!!!!

    17 août 2011 à 8:49

  5. Frank the Tank

    Super récit! Bravo à toi, Jan et Ben malgré l’adversité. Et n’oubli pas: Chicks dig scars! On y va all out à Wilderness Traverse!

    17 août 2011 à 12:56

  6. Guillaume

    Génial les gars. Très impressionnant, surtout votre self-control… comment avez-vous fait pour ne pas l’offrir à manger aux ours ?

    23 août 2011 à 1:38

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